Gisèle Tarnus, présidente de la SREPEN, une des plus anciennes ONG environnementales de La Réunion craint un effet pervers de la création du parc national.
Au moment où La Réunion accueille une grande conférence internationale sur le changement climatique et la biodiversité, alors que la moitié de l’île est maintenant un parc national, Gisèle Tarnus, présidente de la Société réunionnaise pour la protection et l’étude de la nature et de l’environnement (SREPEN), ne saute pas de joie. Interview.
La Réunion s’affiche comme une île modèle du développement durable, et qui abrite maintenant le 9e Parc national de France sur la moitié de son territoire. N’êtes-vous pas comblée ?
Bien sûr, la création du parc national est quelque chose de positif. Mais je ne comprends pas pourquoi ont été soustraits de l’aire du parc des zones naturelles uniques au monde d’après moi, comme les fourrées à pandanus de La Plaine des Palmistes, ou encore des morceaux de forêt de bois de couleur sur la commune de St-Joseph. Je ne comprends pas !Et je constate que les autorités ont déjà tendance à s’appuyer sur l’existence du parc national pour nous demander de diminuer notre pression en faveur de l’environnement dans les zones littorales. On va y multiplier les zones d’activités et les constructions.
Les Réunionnais ont aussi besoin de travailler et de se loger. Le grand projet d’avenir pour une île autonome en énergie en 2030 vous semble-t-il réalisable ? Les intentions affichées correspondent-elle aux actes quotidiens ?
C’est un grand projet économique. Il est vrai qu’on a besoin de telles visions pour avancer. Les faits rejoindront les paroles à condition qu’on prenne en compte par exemple la protection des ressources en eau, ou l’élimination des déchets industriels. Sinon ce sera incohérent. Il faudra aussi savoir faire marche arrière ou corriger le tir si on voit qu’on se trompe.
Parce que les bonnes intentions environnementales peuvent être maladroites ?
Regardez les champs photovoltaïques. Des agriculteurs louent leurs terre pour qu’on y pose des panneaux solaires. Ce n’est tout de même pas la vocation première de la terre agricole qui est là pour produire de la nourriture.
Et que voyez-vous de positif ?
Pour l’aménagement régional, les autorités s’engagent à ne plus morceler l’espace en dehors des localités. Il s’agit maintenant de densifier l’habitat urbain, de construire en hauteur pour ne pas étendre à l’infini les localités. On a toujours dit que les Réunionnais avaient besoin de leur maison et de leur jardin. Mais les nouvelles générations sont prêtes à vitre dans des immeubles de qualité.
Et les grands chantiers de la route des Tamarins et du futur tram-train ?
Ce sont des maux nécessaires. La première, en chantier, doublera des tronçons déjà existants. Quant au tram-train, il a été pensé au départ pour pouvoir urbaniser certains secteurs à l’extérieur de St-Denis, ça crevait les yeux. Nous avons obtenu gain de cause pour faire modifier le tracé là où il allait traverser des sites naturels.
Votre association est-elle écoutée par les autorités locales ?
Nous sommes consultés mais ça ne signifie pas qu’on suit notre avis. Comme nous sommes reconnus par l’Etat, nous pouvons nous opposer en allant en justice. Nous le faisons uniquement quand nous sommes certains d’avoir raison. Nous venons de gagner en appel hier contre un projet d’aménagement d’un port de l’île, mais nous essayons de ne pas utiliser trop souvent ce recours extrême. Je privilégie le dialogue.
Est-elle soutenue financièrement ?
Sur la base de projets, mais pas pour son fonctionnement. Nous travaillons d’ailleurs en bénévoles. Même le travail de 15 ans que nous avons mené par le passé pour observer et répertorier la richesse naturelle de l’île n’a pas été soutenu très fortement financièrement. Ca a usé les meilleures volontés. De manière générale, nous sommes financés de façon plus régulière par la représentation du ministère de l’environnement à La Réunion que par le département ou la région.
Quel rapport les Réunionnais ont-ils avec la nature dans laquelle ils vivent ?
En quelques minutes, ils sont dans des sites naturels fantastiques. Cette facilité les rend un peu désinvoltes par rapport au besoin de préserver ces trésors.
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